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Thème
Accompagnement
Alimentation
Commune
Clichy-Sous-Bois

L'Amie du jeudi

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L'AMIE, l'amie du jeudi
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Installée à Clichy depuis 25 ans, l’Amie propose à des familles traversant des difficultés momentanées de s'approvisionner dans une épicerie solidaire où l’on ne paie que 10 % de ses achats. Portrait d’une matinée d’ouverture au public, entre petites économies et grands moments de solidarité.

« Des carottes ? Ah non merci ! Elles vont pourrir dans mon frigidaire… – Et pourtant, on nous dit bien qu’il faut manger des fruits et légumes tous les jours. – On ne va pas se forcer quand même ! » Les éclats de rire de Béatrice et de Mme S. résonnent dans toute la salle. À l’entrée, la table déborde de marchandises qui retourneront dans la grande valise à roulettes dont elles ont été sorties pour le passage à la caisse : « Ca vous fait 112 euros de courses, donc 11,20 euros de participation », annonce Elisabeth. Plus loin, c’est Henriette qui explique : « Oui Madame, je suis à votre disposition, rassure-t-elle devant les cagettes de fruits et légumes. Des aubergines, des carottes, des courgettes. Et puis avec ça, c’est tout ? Pas de pommes, pas de poires ? »

Beaucoup, ici, ont connu les colis alimentaires. Ce qui est offert dans cette épicerie solidaire étonne et séduit : « C’est comme si on allait dans un magasin, et l’avantage c’est qu’on ne prend vraiment que ce dont on a besoin, explique Mme C., qui vient à l’épicerie depuis le mois de mars. Les bénévoles sont super gentils, et il y a quand même pas mal de choix. On dépense beaucoup moins qu’en grande surface, ça permet de faire des économies. En un mois et demi, j’ai déjà pu rembourser un peu de ma dette. » 

« C’est comme si on allait dans un magasin, et l’avantage c’est qu’on ne prend vraiment que ce dont on a besoin, .. »

C’est là tout le principe de l’Amie, (l’Alimentation moteur d’insertion par l’économie) : en étroite collaboration avec deux conseillères en économie sociale et familiale des services sociaux des circonscriptions de Clichy et Montfermeil, l’équipe accompagne des familles à qui sont proposés des produits à prix solidaires (à 1 euro le kilo de pâtes, 2 le baril de lessive). Chaque semaine, pendant trois mois, les familles à titre de participation, ne paient que 10 % du montant total de leurs achats, et s’engagent, par contrat, à consacrer les économies ainsi réalisées au remboursement de leurs impayés. Le suivi, très régulier, permet à l’équipe, en concertation avec les conseillères, présentes une fois par mois dans les locaux de l’épicerie, de renouveler si besoin l’accompagnement. Si la première fois peut rester « compliquée par rapport à l’estime de soi, reconnaît Leslie, les bénévoles font tout pour que ce sentiment soit dépassé. »

 Mère isolée de deux enfants, cette jeune femme a dû s’inscrire parce qu’elle n’y arrivait plus, après une baisse de revenus conséquente à sa reprise d’études. Si elle ne peut venir que tous les quinze jours (la formation d’infirmière qu’elle suit se déroule en Seine-et-Marne), elle voudrait déjà aller au-delà du calendrier fixé avec l’équipe : « Ca nous aide considérablement pour le budget. Avec deux enfants et six cents euros par mois, c’est impossible. »

C’est la deuxième fois pour Elodie, qui a déjà fréquenté l’épicerie en 2019. Aujourd’hui, ses enfants sont plus grands, et elle apprécie pouvoir trouver, comme il y a quinze jours, de quoi leur faire plaisir : « des chocolats et des bonbons », se souvient-elle. « Des M&M’s et des Kit Kats », renchérit sa fille, encore visiblement ravie.

 « Je me restreins pour moi, précise Elodie, mais je ne veux pas que mes enfants se privent, même si j’essaie de leur expliquer que la vie n’est pas facile et qu’il y a des gens qui n’ont rien à manger. »

Aide-soignante de formation, elle a pu elle aussi avoir du mal à se retrouver « à la place des personnes que je pouvais aider, mais je rembourse ma dette, c’est le plus important, et chaque jeudi, je suis contente de venir rencontrer d’autres gens. » Très émue, Jasmine ne dit pas autre chose : « Je vous promets que ça me sort vraiment de mes difficultés. Je suis ravie de tout ce qu’on peut avoir comme nouveautés : les fruits et légumes, les surgelés, et quand je viens c’est royal : j’apprécie énormément ! »

Pendant ce temps, les produits continuent à défiler : « Un pané, six steaks hachés, un légume surgelé, une frite, un râpé, quatre yaourts, des fruits : quatre kilos, une moutarde, deux thons, une mayo, maquereaux, une viande, quatre légumes, deux cafés, une semoule, un shampoing ». Alain, prompt à déballer les emplettes, s’interrompt : « le liquide vaisselle, c’est fini !

 

 

Deux déjà dans le mois, Mme I. » Car les quantités sont ici encadrées, ce qui semble accepté par toutes et tous. Pas fâchée pour si peu, Mme I. trouve la parade : « Alors je fais plus la vaisselle ! », et l’idée, reprise en chœur, fait rapidement le tour de la boutique et emporte un franc succès. « Plus de vaisselle jusqu’au mois prochain », où les compteurs seront remis à zéro ! D’ici là, on continue à échanger, à partager, pour le plaisir de parler, ce qu’on aime ou ce qui n’en finit pas de nous surprendre – ainsi de Mme L. dont les ados ne peuvent manger de frites sans les accompagner de mayonnaise. « De mayo ? – Oui, vraiment. »  Quand on demande à Elodie si elle a une dernière chose à ajouter, sa réponse n’attend pas : « Un grand merci à ces bénévoles, j’ai beaucoup de gratitude pour toutes ces personnes. »

L'équipe de l'Amie